Qu’appelle-t-on un “signe” au sens de Paolo Coelho dans l’alchimiste ?

(Extrait tiré de mon livre Kana et Mashu, Persée, réédition 2015)

Il existe une magie qui répond à ce que j’envoie dans le monde, qui répond à mes pensées, qui répond à mes questions et qui pave mon chemin d’événements porteurs de significations. Ces signes qui me sont donnés me sont utiles, mais ne s’imposent pas à moi. Ils ne me sautent aux yeux que lorsque je suis attentif et à l’écoute, c’est-à-dire connecté au monde.

— Un signe, dit Guy, c’est l’occurrence d’un événement qui se matérialise en fonction de ce que tu penses – ou vis – à un moment donné. Les signes apparaissent de manière ponctuelle dans ton environnement pour te rappeler ce qui t’importe, pour t’encourager à persévérer dans une voie ou à l’abandonner, pour donner de l’emphase à un événement dont tu ne comprendras l’importance que plus tard. On nous a appris que nous ne sommes que les spectateurs de ce qui nous arrive, mais nous en sommes également les créateurs. Ton environnement réagit aux questions que tu envoies, inconsciemment, au-dehors. Les signes peuvent donc autant mettre l’accent sur ce à quoi tu penses en ce moment, que répondre à une question qui te préoccupe.

Si un oiseau se met à chanter ou une cloche à sonner juste au moment où tu dis ou penses quelque chose, prends-en note, car ce n’est pas anodin. Il te donne une information que toi seul est capable de comprendre. Son sens n’est pas toujours évident. Parfois, différents signes apparaissent sur une période plus ou moins étalée. Considérés séparément ils ne parlent pas, mais tous t’indiquent la même chose.

Le parfum d’un passant qui réveille un souvenir, une coïncidence frappante ou bien une sirène qui hurle au moment où tu penses à quelque chose… ce sont autant de signes qui t’invitent à réfléchir.

— Et si je me trouve dans un lieu public, s’interrogea Mashu, comment savoir si le chant d’un oiseau s’adresse à moi ou à mon voisin ?

— C’est en toi que les événements résonnent ou non. Ton environnement immédiat réagit en fonction de toi et un signe que tu sens t’être adressé ne sera qu’un événement anodin pour quelqu’un d’autre. La réciproque est vraie. Il n’y a que toi qui puisses comprendre un signe et communiquer ainsi avec ton univers intérieur.

La vie est comme ces images en trois dimensions cachées au milieu d’une multitude de points multicolores. Tu connais le procédé : en changeant ta façon de regarder le dessin, tu vois 75 

apparaître d’autres formes en relief et l’image de départ n’a plus le même sens. Le monde est ainsi : les yeux sont les mêmes, c’est la perception qui change. Avec de la pratique tu apprendras à discerner ce qui t’est destiné.

Mashu voulait y croire mais comprenait les écueils dans lesquels il risquait de tomber :

— Il ne suffit tout de même pas de se poser des questions pour que l’environnement te donne des solutions. N’est-il pas dangereux d’être pressé d’obtenir des réponses ?

— Effectivement, répondit Guy, les réponses n’arrivent pas toujours immédiatement. Croire le contraire c’est risquer de ne plus être à l’écoute et d’influencer ta perception. Tu pourrais vouloir voir des signes partout et, dans ce cas, c’est toi-même qui fausserais la donne. Il ne sert à rien d’analyser des événements qui ne t’ont pas parlé au premier abord !

Toujours espiègle, Mashu pensa à voix haute :

— Je pourrais aussi créer des signes pour me soutenir sur mon chemin ! Mes désirs peuvent me guider puisqu’ils sont ce que je veux.

— Tes désirs peuvent être un moteur, bien sûr, mais ils se placent dans le court terme. Or, ce que tu désires dans l’instant n’est pas nécessairement ce qui te convient dans le long terme. Suivre ses désirs et les justifier en analysant tout et n’importe quoi selon ce que tu veux peut te troubler plus que t’aider à voir clair. Ton intérêt est d’apprendre à discerner honnêtement quels sont les événements que tu as voulu instrumentaliser de ceux qui ont vibré d’eux-mêmes en toi. 

La femme de Guy lui fit signe de la rejoindre. Il fit un clin d’oeil à Mashu qui regagna sa cabane.