La reconnaissance des artistes :

Qu’en est-il d’autres formes d’intelligence comme l’aptitude pour l’art ? Les robots sont capables de réaliser des œuvres plastiques : aujourd’hui l’image, demain les réalisations tridimensionnelles par imprimante 3D.

Mais l’art produit par l’être humain est différent des productions issues d’algorithmes. C’est le fruit de notre créativité et j’aime à croire que celle-ci est, non seulement, inspirée par des années de vie, d’expérience et de ressenti, mais aussi par quelque chose qui dépasse l’homme : un regard fugace jeté derrière le rideau de la matière.

Nos oeuvres nous différencient les uns des autres et nous enrichissent par leur variété. D’où notre éblouissement devant certaines réalisations. Si une machine dessine, peint ou compose de la musique aussi bien que l’homme cela ne signifie pas qu’elle peut être placée sur le même plan, car ce qu’elle fait est vide de sens, d’histoire personnelle et ne s’appuie sur rien d’autre qu’une programmation. Elle crée toujours “à la manière de” tel ou tel artiste, selon ce qu’elle aura appris, en se basant sur des peintures existantes, alors que l’homme se révèle à nous à travers une oeuvre : C’est une rencontre. Or, on ne rencontre pas une machine.
La valeur que je donne à une œuvre (peinture, sculpture, écriture, danse…) est aussi liée au fait que moi, l’observateur, n’aurais pas été capable de la réaliser.

Son exposition permet la mise à jour d’un don particulier de l’artiste et le fruit d’une recherche d’un être sensible. Si mon robot domestique est capable de peindre ou de créer des productions en 3 D (ce qui n’est pas de la sculpture), les artistes pourraient ne plus être reconnus pour ce qu’ils sont. Accepter que le produit d’une I.A. est de l’art retire aux artistes leur mission de vie : ce qu’ils ont à offrir au monde et sans lequel il ne peuvent vivre,  au sens métaphorique. Et c’est tout un pan de la population douée pour tel et tel art qui perd sa raison d’être.

Il en va de même pour la poésie. Une I.A. est capable d’écrire des poèmes, mais ce qui me touche en lisant un auteur, c’est la faculté qu’il a eu de trouver le mot juste, la bonne cadence et le rythme, qui éveillent en moi de puissantes émotions. Savoir qu’un autre être vivant, non obstant son talent, ait eu pour un temps accès à cette inspiration, plus grande que lui, me plonge en état d’adoration mystique devant les intuitions auxquelles l’artiste peut avoir accès. Je ne doute pas que l’écriture d’une poésie par une machine puisse me toucher puisque tant de formes d’arts qui me semblent étranges trouvent un public, mais je ne serai jamais aussi touché par la compétence d’une machine que par l’idée de la transe vécue par le poète, avec laquelle j’entre en résonance.

Mais revenons à un discours pragmatique. D’autres domaines dans lesquels il faut légiférer sont la musique et le cinéma pour ce qui concerne la création illégale de chansons ou de films mettant en scène des chanteurs et acteurs n’ayant pas accordé leur droit à l’image à des programmeurs réalisant leur rêve de voir telle star sur la même scène que telle autre. Le faux clip de Drake et de the Week-end en est un exemple frappant. Les artistes ont besoin de royalties pour continuer à créer.

Fin mai 2023, on apprenait que Microsoft, Google et d’autres ont accepté de mettre un filigrane cryptographique invisible (“watermark“) inscrit dans le code source d’une image ou photo, qui permettra de savoir qu’un contenu a été produit par une I.A.. C’est une grande avancée, mais je doute que les pirates professionnels de la désinformation ou les “faussaires “ de tout acabit en fassent usage.

Le philosophe français Eric Sadin parle d’ “hommes-légumes“ cédant leur créativité aux robots.